Sabine Wespieser
Lu par Stéphane
De la tentation du name dropping en littérature
Chacun peut témoigner de l’insondable plaisir que l’on peut avoir à converser en soirée avec ces gens fabuleux qui connaissent tout le monde et vous le font savoir : « Guillaume Canet ? Un vieux pote. Je l’ai présenté à Marion sur le yacht de Luc sur la croisette, on était au bar, Gérard a encore tenté de pisser dans une bouteille, on a dû le porter avec Edouard mais il s’est fait dessus, Sharon était choquée ».
Eh bien figurez-vous que ces gens-là écrivent des romans et infligent au monde l’équivalent littéraire des fascinantes élucubrations qui précèdent, ce qui donne :
« je pensais à Antonioni »
« j’avais alors une idée littéraire de la ville, due à l’œuvre de Bassani »
« je me suis souvenue du passage de De Chirico et de son frère pendant la guerre de 14-18, de l’amitié entre Bassani et Antonioni »
« Je n’aurais pas parlé de Laura Betti »
« je me souvenais d’elle dans plusieurs films, sublime actrice, ceux de Pasolini qui fut son grand ami »
« je me souvenais de son terrible rôle de fasciste perverse dans 1900 de Bertolucci »
« A l’automne, Kerouac mourait. »
« Ce sont souvent des mots de Jankelevitch qui me viennent lorsque je pense à Antoine. »
« Je l’ai longtemps soupçonné d’écouter Charlie Parker en douce. »
« C’est beaucoup plus tard que j’ai pu lire la traduction de Tendre barbare de Bohumil Hrabal. »
« Je reconnaissais les balbutiements d’une sonatine de Diabelli. »
« J’imagine Jeanne Moreau dans l’appartement de cet immeuble au pied duquel je reste immobile et aux aguets. »
« Marguerite Duras l’avait ajoutée au scénario. »
« Nous pourrions parler de la sonatine, de Moderato Cantabile »
C’est vrai, nous pourrions en parler, heureusement, ce ne sera pas le cas, puisque l’essentiel est de citer, n’est-ce pas ? Le texte est d’ailleurs joliment clos par une bibliographie des romans et films évoqués, qui constitue un habile résumé du roman. Commencez donc par la fin. Et arrêtez-vous là.
P.S. : mention spéciale à l’intrigante dédicace, « A Sabine W. » Mais qui cela peut-il bien être ? W… W… Like what ? Like Wespieser maybe (ndlr : l’éditrice)? On n’en saura pas plus. Le mystère est déjà là, tout entier : il ne nous quittera plus.
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Lu par Xavier
Bien écrit, mais classique.
Les poilus parlent aux poilus