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Le mystère Henri Pick, de David Foenkinos

5 Oct

Lu par… Bérénice

ZERO MOUSTACHE dans mon cœur ! Mais de qui se moque-t-on !!

ZERO MOUSTACHE dans mon cœur ! Mais de qui se moque-t-on !!

 

 

 

 

« J’ai eu le prix Goncourt des lycéens ! Génial ! Mais bon, 450 000 exemplaires vendus, bien mais pas top. Si je faisais mieux, en m’inspirant vaguement d’un autre Goncourt des lycéens… La vérité sur l’affaire Harry Québert, tiens, c’était pas mal ce truc, ça avait plu à ma mère, à mes voisins, ça tapait large, tout le monde l’a lu. 1 500 000 exemplaires en français, tout de même, ça doit être cette histoire de livre retrouvé, pas de raison que moi aussi je ne fasse pas un truc à ma sauce avec cette base. Et puis on verra que, moi, j’ai des lettres ! Ce sera malin, ce sera gourmand… »

_ Extrait d’un monologue intérieur  de David Foenkinos, 6 mois après la publication de Charlotte.

Foenkinos nous raconte une histoire que je trouve trop ennuyeuse pour en faire un vrai résumé : un libraire breton (les noms en –ec ça fait à la fois chic et terroir), sis à Crozon, Finistère (ça c’est dégueulasse, parce que Crozon c’est vraiment joli et ça ne mérite pas d’être sali par association) s’inspire de Brautigan (« la Beat generation, c’est in, j’aurais l’air jeune », David F.) en créant dans un coin de sa bibliothèque un rayon des livres refusés à la publication. Couic, il meurt. Delphine on ne sait plus comment, éditrice talentueuse, jeune et visionnaire, en avance sur son époque, bref, un personnage chiant, sort avec un autre personnage chiant, Frédéric machin (on s’en fout, il est vraiment chiant), un de ses auteurs jeunes et talentueux mais incompris , son premier roman a fait un flop, ahlàlà qu’est-ce que c’est injuste le succès des autres quand on leur est supérieur, incompris, disais-je, donc ombrageux, et se comportant comme s’il avait douze ans, mais c’est normal c’est un auteur. A l’occasion de vacances familiales chiantes, ils découvrent dans ladite bibliothèque un manuscrit, que dis-je, un chef-d’œuvre, une pépite, Les dernières heures d’une histoire d’amour (ça raconte les dernières heures d’une histoire d’amour entrelacées du récit de l’agonie de Pouchkine, c’est subtil, ça veut sans doute nous dire qu’il faut changer peu de lettres au mot « amour » pour passer à « mort »). Et alors là, tenez-vous bien, c’est écrit par un mystérieux inconnu, Henri Pick, feu le pizzaïolo taciturne de Crozon, qui ne lisait jamais mais voilà, ahlàlà qui sait ce qui peut se passer dans la tête des gens.

Si vous pensez ce que j’ai pensé à cet instant là, sachez que vous avez raison et que comme vous n’êtes qu’au quart du livre mieux vaut s’arrêter là.

Bon, ensuite il se passe des trucs pendant plein de pages mais tout est chiant.

On va tout de suite distribuer le bon point : Foenkinos nous épargne, contrairement à Joël Dicker, les extraits dudit chef-d’œuvre qui prouveraient que, WOW, stupéfiant, mieux que tout ce qui a été écrit dans le monde jusqu’à présent.

Mais. David, permets-moi de t’appeler David. Stop. Arrête. On a compris. Tu te fais du mal. Et si, d’aventure, tu te faisais tout de même du bien, une chose est sûre : tu nous fais du mal.

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Juré qui souffre

David se croit très intelligent et cultivé. Comme il est subtil, il fait de petites références aux choses intelligentes qu’il écrit. A la 6e page, le libraire en –ec regrette de ne pas avoir de collègue capable de disserter sur l’usage des points de suspension chez Céline. Devinez avec quoi David ponctue tous ses dialogues et par quoi il les finit :

  1. Un petit smiley qui vomit ;
  2. Une insulte ;
  3. Une insulte pour l’intelligence du lecteur (des points de suspension).

Comme son texte est subtil, il se commente. De ça, de là, des notes de bas de page surgissent. Soit pour y développer des aphorismes dignes des plus grands Marc Levy (il ne faut jamais espérer lire la vérité dans le regard de quiconque, compris ?), soit pour se commenter lui-même, car pourquoi pas, il sera peut-être un jour au programme du bac de français, soit pour y caser ce qu’il n’a pas pu mettre dans le corps du roman, parce qu’il écrit mal.

David a de l’érudition. La preuve, il nous explique en une page et demie qui est Vivian Maïer (au cas où on loupe la référence de la phrase précédente, ça serait trop bête et puis c’est sympa, ça remplit, c’est en italique, c’est joli). Ciel que c’est lourd, toutes ces références qui veulent sans doute dénoncer un milieu, une époque.

David connaît le monde de l’édition et de la cause littéraire. La jeune éditrice ambitieuse est chez Grasset. Il y a plein de noms, et puis aussi on raconte les réunions, oh et tant qu’à faire si on glissait Augustin Trapenard là-dedans, après tout c’est cultivé, et puis aussi Ouest France, au moins ça leur fera plaisir, ils en parleront. Tout est élogieux pour tout le monde, c’est facile à retenir. Grasset ne publie que des chefs-d’œuvre, même quand le monde ne les reconnaît pas.

David est très cultivé et connaît le monde de l’édition. Comment justifier la publication d’un livre refusé à l’édition ? Citer Proust et Gide, pardi !  Bien écrire noir sur banc que Gide s’en est mordu les doigts avant de se rattraper. Je t’arrête tout de suite, David, tu es chez Gallimard et ça prouve juste qu’ils font des conneries dans l’autre sens aussi. Mais non, David ne s’arrête pas. Il met en note de bas de page la raison pour laquelle Gide avait refusé Proust : l’exemple d’une formulation jugée maladroite. Et là, David donne son avis (« magnifique image »). Merci David, sans toi je n’aurais su qu’en penser. J’aurais sans doute trouvé Proust maladroit, parce que tu l’avais écrit ! Ouf ! En revanche, ça ne t’excuse pas pour toutes ces images et métaphores sans queue ni tête dont tu nous assommes. Les mots ont un sens et, par exemple, « elle s’accrocha à lui démesurément », c’est nul.

Last but not least, David a des fantasmes. Des histoires de doigts, surtout, qui font pas mal d’effet, mais aussi celui de l’éditrice qui couche avec son auteur. Des histoires de lit vierge et de fellation au réveil, rien n’est excitant là-dedans mais on sent que pour David c’est chaud chaud chaud.

Las ! Soit c’est un génie de l’ironie (mais trop loin pour moi), soit, et il faut s’y résigner, c’est Marc Levy avec des prétentions littéraires et publié à la NRF.

Achetez ce livre si vous aimez vous ennuyer en compagnie de quelqu’un qui n’arrête pas de parler pour vous prouver qu’il est vraiment très intelligent, un peu comme ce collègue relou avec qui vous déjeunez une fois par an en regardant votre montre discrètement et en souriant d’un air poli, mais en moins intéressant.